Partie I - le constat
Aujourd'hui, les stages sont peu l'occasion d'une réflexion approfondie sur le projet d'orientation
Le 6 mars dernier, l’État a ouvert la plateforme 1jeune1solution.gouv.fr pour épauler les familles dans la recherche d’un stage de deux semaines pour tous les élèves de 2nde générale et technologique. En effet, du 17 au 28 juin prochain, ce sont 560 000 élèves qui doivent, en même temps, suivre un stage d’observation au sein d’entreprises, d’associations ou de collectivités. Additionnés aux 800 000 collégiens en stage une semaine au cours de leur année de troisième, ce sont plus de 1,3 millions d’élèves qui sont concernés cette année par ces expériences d’observation au sein du monde professionnel.
La charge de trouver un stage incombe avant tout à l’élève et à sa famille. Cette année particulièrement, avec la nouveauté du dispositif en 2nde, beaucoup de familles peuvent être tentées de vouloir avant tout répondre à l’injonction de l’Éducation Nationale. C’est tout à fait compréhensible. Mais au final, de nombreux parents avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger, regrettent que le stage de 3ème de leur enfant ne lui ai pas permis d’y voir plus clair concernant son avenir.
C’est pourquoi, au sein de ce petit guide, j’aimerais montrer que la recherche d’un stage peut être également l’occasion d’un travail en profondeur de l’élève autour de son projet d’orientation.
A. L'obligation de trouver ne donne pas la place à l'élève de chercher ce qu'il souhaite vraiment
L’étude de la sociologue Aude Kerivel, réalisée en 2015 dans 25 collèges, montre que les demandes de stages réalisés par les élèves sont peu nombreuses.
Tout d’abord, 4 élèves sur 10 réalisent une seule demande. Ceux qui demandent le moins sont souvent ceux issus des milieux plus favorisés, qui font davantage appel à leurs parents pour trouver et qui obtiennent majoritairement une réponse favorable dès leur première demande. Ils déclarent davantage qu’ils font le stage qu’ils désirent faire et que celui-ci est relié à leur projet d’orientation.
Pour beaucoup, il semble que le champ de leurs recherches se limite au réseau de leurs parents, ce qui ne favorise pas l’expression de leurs envies. Grâce à ce réseau, ces élèves obtiennent un stage souvent plus intéressant mais retiennent aussi qu’un stage dans un domaine qui les intéresse est facile à obtenir. Cette facilité n’est pas propice à une démarche de recherche et ne les prépare pas à la construction de leurs demandes sur parcoursup, où il s’agit pour beaucoup d’élèves d’entremêler des vœux très exigeants avec d’autres où leurs chances d’être acceptés sont très élevées.
Ensuite, l’étude montre que 4 enfants sur 10 réalisent de 3 à 5 demandes de stages. Cette situation concerne majoritairement des milieux moins favorisés et des établissements appartenant au réseau d’Éducation Prioritaire. Les élèves témoignent que l’addition de leurs demandes s’explique toujours par des refus des entreprises et non par une envie de leur part de mener des démarches multiples afin de pouvoir choisir ensuite le stage qui leur convient le plus.
Ces refus leurs apprennent qu’obtenir un stage (un travail) est difficile. Ils peuvent également subir discrimination sociale, ethnique, géographique. Ces élèves se débrouillent davantage seuls, mènent des recherches dans un horizon géographique restreint. Quand ils font appel à leurs parents, ils bénéficient d’un réseau professionnel plus réduit. Au final, ils ne sont que moins d’1/3 à déclarer que leur stage est lié à leur projet d’orientation. Leurs envies disparaissent face à la nécessité d’obtenir un stage.
B. le calendrier des stages au sein de la scolarité est peu relié à celui des décisions d'orientation
Entre la classe de 3ème et celle de terminale, les élèves ont à effectuer différents choix d’orientation majeurs. En 3ème, l’immense majorité des élèves se trouve au sein des mêmes classes, à suivre les mêmes programmes. A l’inverse, après le baccalauréat, les élèves devenus étudiants suivent une multitude de cursus d’études différents.
En 3ème, l’enjeu d’orientation réside dans le fait de choisir entre le lycée professionnel (avec plus de 100 spécialités existantes) et le lycée général et technologique. Les stages ont souvent lieu au 2ème trimestre, ce qui peut aider les élèves envisageant une seconde professionnelle à se décider concernant une spécialité s’ils ont l’occasion de suivre un stage au sein de la branche spécifique visée. Pour les autres élèves, le stage ne les aide pas pour la décision à prendre cette année-là.
En 2nde générale et technologique, les enjeux d’orientation sont de choisir entre filière générale et filières technologiques (8 baccalauréats différents proposés) et de sélectionner sa ou ses spécialités pour la classe de 1ère. La date des stages, en toute fin d’année, font qu’ils ne joueront aucun rôle au sein de ces décisions, les conseils de classe ayant déjà eu lieu.
Cela signifie que les stages de 3ème et de 2nde doivent avant tout s’inscrire dans une réflexion de plus long terme pour les élèves et leur famille.
C. Des textes officiels évasifs sur l'orientation
Les textes officiels pour le stage de 3ème* concentrent leur attention sur la découverte du « monde du travail », sur le fait de « partager le quotidien de professionnels et bénéficier d’une expérience concrète ». La place du projet d’orientation est secondaire, le stage pouvant « permettre, éventuellement, de confirmer un projet d’orientation ». L’intention des rédacteurs me semble bonne dans le sens où le stage de 3ème n’a pas vocation à ce que l’élève choisisse ou non de faire du métier de son stage son activité professionnelle ultérieure. Par contre, il manque tout un pan concernant l’intérêt du stage pour mener une réflexion d’orientation plus large. Cela éviterait que beaucoup d’élèves déclarent lors de leur oral : « je n’ai pas aimé ce stage, je n’en ai rien retenu et ne compte pas en faire mon métier ».
En 2nde, les textes officiels*2 établissent un lien plus direct avec l’orientation : « l’objectif est d’améliorer la politique d’orientation des jeunes ». Mais aucune précision n’est apportée et le stage ne donne lieu à aucun rapport. Étant donné leurs dates, leur objectif ne peut donc être que d’aider les élèves dans leurs choix en classe de 1ère et encore plus en terminale.